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La réconciliation : une arme de contestation des actions de l’État

Les dispositions constitutionnelles et administratives ont souvent joué un rôle capital dans la contestation judiciaire des politiques de l’État. Le contrôle de l’action administrative a été l’arme la plus utilisée par les avocats des droits de l’homme pendant la période de l’apartheid pour s’opposer aux politiques discriminatoires de l’État. Bon nombres d’avocats sont passés par l’organisation Legal Resource Centre[1] qui utilisait la méthode du « test case » par laquelle un litige individuel servait à contester une politique dans son ensemble. Par exemple, c’est grâce à ce type de mobilisation judiciaire que les tribunaux ont pu invalider, dans l’affaire Oukasiel a loi autorisant le déplacement de population dans la ville de Brits située au nord de Pretoria[2].

Cependant, l’émergence de la politique de réconciliation est venue étoffer le répertoire des outils de contestation des organisations des droits de l’homme. En effet, alors que la réconciliation constituait un objectif politique de transition vers la démocratie, les organisations de la coalition SACJT l’ont utilisée pour négocier la prise en compte des victimes dans le processus décisionnel de l’État et définir la nature des rapports entre ONG et le gouvernement sud-africain. Ce faisant, la réconciliation n’est plus seulement un objectif abstrait, elle devient une ressource pour organiser les rapports entre les citoyens et le gouvernement.

Dès 2005, les organisations de la coalition SACTJ s’opposent aux mesures du gouvernement sud-africain pour ralentir les poursuites des crimes de l’apartheid. Cette coalition est formée par le Center for the Study of Violence and Reconciliation (CSVR), l’International Center for Transitional Justice (ICTJ), l’Institute for Justice and Reconciliation (IJR), Khulumani Support Group (Khulumani), South African History Archive (SAHA), Human Rights Media Center (HMC), Freedom of Expression Institute (FEI). Parmi ces organisations, seules quatre d’entre elles, CSVR, ICTJ, IJR et Khulumani, vont être véritablement actives dans la mobilisation judiciaire contre le gouvernement.

La première organisation, Khulumani, a été fondée en 1995 par des familles de victimes de l’apartheid[3]. Elle réunit soixante mille membres, dont une grande majorité provient de la population noire. La deuxième organisation, ICTJ, a été notamment fondée par Alex Boraine, l’ancien vice-président de la CVR. ICTJ a joué un rôle majeur dans la diffusion du concept de justice transitionnelle, en contribuant à la mise en place de plus d’une trentaine de dispositifs de ce genre dans le monde[4]. Au-delà de l’expertise mise à disposition des acteurs institutionnels, l’organisation travaille, comme dans le cas de sa branche sud-africaine, avec des associations communautaires. Par ailleurs, l’organisation CSVR a été créée, à la fin des années quatre-vingt, dans le but d’offrir son expertise aux processus de réconciliation, de reconstruction démocratique et de développement d’une culture des droits de l’Homme dans la société sud-africaine[5]. La mise en œuvre de ces objectifs prend la forme d’une participation à l’élaboration des politiques publiques et à l’aide dans la prestation des services publics aux communautés. Enfin, l’organisation IJR a été créée dans le but de poursuivre le projet de justice et de réconciliation de la CVR sud-africaine. Elle entreprend aussi bien d’offrir une expertise aux différents gouvernements du continent africain que de participer à la réalisation de projets avec les communautés sud-africaines.

Entre 2005 et 2011, ces organisations ont initié deux procédures judiciaires devant les tribunaux sud-africains en s’appuyant principalement sur la politique de réconciliation pour faire valoir leurs revendications.  Dans cette mobilisation, ces organisations ont défendu l’idée que cette politique doit placer les victimes de l’apartheid en son centre. Celles-ci ne doivent pas être seulement les bénéficiaires d’une politique définie par le gouvernement mais elles ont le droit de participer à cette définition. Les victimes doivent en effet être consultées dans le processus d’adoption de mesures qui les concernent. Tout en étant d’accord sur cette interprétation, une autre organisation de la coalition considère que la politique de réconciliation exige que les ONG aient des rapports de coopération avec le gouvernement et ne recourent pas au procès pour contester ses politiques.

La réconciliation comme engagement à rendre des comptes aux victimes de l’apartheid

La première action en justice est intentée en 2005 par Khulumani, ICTJ et CSVR, devant la Haute Cour de Pretoria afin de demander l’invalidation des directives concernant la politique pénale du parquet[6]. Une importante partie de l’argumentation de ICTJ et CSVR est construite autour des sacrifices qui ont été consentis par les victimes pour que l’Afrique du Sud puisse accéder à la démocratie. En effet, pour ces ONG, ces sacrifices constituent le fondement de la politique de réconciliation et impliquent que l’État rende des comptes aux victimes. À ce propos, un représentant d’une des organisations de la coalition relate les démarches incessantes nécessaires pour connaître le développement des poursuites judiciaires contre les auteurs des crimes de l’apartheid :

 “We used to organize once per month, we would set up an appointment with someone at the National Authority, we would make the appointment, we would take the victims there […] and we would sit there trying to get reports from them (authorities). They didn’t feel like they have to report to anybody. Even though, the National Prosecuting Authority basically should be fighting for victims against the perpetrators, there isn’t even a way they approach the work, it’s a very, very, hard battle”.[7]

Cette conception de la réconciliation selon laquelle l’État sud-africain a des devoirs à l’égard des victimes de l’apartheid en raison des souffrances subies et des sacrifices qu’elles ont consentis se retrouve également dans les arguments présentés devant la Haute Cour. Intervenant à leurs côtés, le président de la CVR, Desmond Tutu, recourt à cette idée pour demander l’annulation de la politique pénale du gouvernement. En effet, soutient-il, dans le but de parvenir à une réconciliation nationale, les victimes de l’apartheid ont accepté une limitation de leurs droits.

“South Africa’s truth and reconciliation design as encapsulated in the postscript to the Interim Constitution required the sacrifice of the fundamental rights of victims in order to advance national unity and reconciliation. In so doing the State entered into a compact with victims”[8].

Dans cette argumentation, la politique de réconciliation signifie que l’État sud-africain a des engagements vis-à-vis des victimes. Ceux-ci impliquent d’exercer des poursuites judiciaires contre les auteurs des crimes de l’apartheid, après que le dispositif d’amnistie est arrivé à son terme. En ce sens, la réconciliation est une sorte de contrat implicite entre l’État et les victimes de l’apartheid.

Dans sa décision judiciaire, bien que la Haute Cour ait donné raison aux plaignants, elle ne s’est pas référée aux impératifs de réconciliation et de reconstruction démocratique. Pourtant deux ans plus tard, les mêmes organisations engagent une autre bataille judiciaire pour empêcher le président d’accorder la grâce sans tenir compte de l’opinion des victimes.

Comme indiqué précédemment, le président Thabo Mbeki a initié en 2007 une procédure de grâce en faveur des prisonniers condamnés pour des crimes politiques à qui l’amnistie avait été refusée ou qui n’en avaient pas fait la demande pendant les travaux de la CVR. Au cours de cette même année, les organisations de la coalition SACTJ ont cherché à participer à ce processus afin de représenter les victimes de l’apartheid. Pour ce faire, une série de démarches politiques ont été entamées auprès du comité, composé de représentants politiques, établi par le président Thabo Mbeki pour le conseiller dans l’octroi de la grâce.

Ces organisations se sont d’abord saisies de deux instruments législatifs, la Promotion of Access to Information Act et la Promotion of Administrative Justice Act. Ces lois donnent aux citoyens un droit d’accès aux informations de l’État et leur permettent d’exiger une motivation de l’action administrative[9]. Sur cette base, la CSVR a contacté le comité présidentiel dans le but de lui offrir son expertise. Dans la mesure où cette offre n’a rencontré aucune réponse positive, la coalition d’ONG a ensuite demandé, à ce même comité, de lui fournir les règles organisant son fonctionnement. Après le rejet de cette demande, la coalition a interpellé ce même comité afin qu’il dévoile la liste des personnes demandant la grâce présidentielle.

Après avoir essuyé de nombreux refus, toutes les organisations de la coalition ont adressé une lettre à chaque membre du comité présidentiel exigeant que soient publiées ses règles de fonctionnement, la liste des candidats à la grâce ainsi que la manière dont avait été défini le caractère politique d’un crime. Cette dernière information était importante car seuls les auteurs de crimes à motivation politique pouvaient bénéficier de la grâce.

Après le refus définitif du comité et celui du président d’envisager toute participation des victimes dans le processus de grâce, les différentes organisations ont engagé un procès devant la Haute Cour de Gauteng demandant sa suspension. Cette juridiction a donné raison aux organisations en interdisant au président d’accorder la grâce aux personnes condamnées pour les crimes de l’apartheid. Elle a, en outre, enjoint au comité de divulguer la liste des prisonniers dont la candidature à la grâce avait été recommandée au président.

Après ce jugement, un prisonnier, Ryan Albutt, qui s’était joint à l’action judiciaire, a initié un recours devant la Cour Constitutionnelle. Devant cette juridiction, les organisations de la coalition ont de nouveau utilisé les impératifs de réconciliation pour contester l’absence de participation des victimes de l’apartheid dans la procédure de grâce. Elles ont en effet soutenu que l’exclusion des victimes de la procédure de grâce était contraire à l’esprit de réconciliation. Un des responsables des organisations membres de la coalition SACTJ indique :

 “We went to court to stop the president to give pardons to people who were in prison. We’re not saying that the president doesn’t have the prerogative to give the pardon to anyone {…} But there’s no victim participation and this goes against the spirit of reconciliation, this goes against the spirit of national building”[10].

Pour ce responsable, ce n’est pas seulement le contenu des politiques de justice du gouvernement qui est problématique, c’est leur cadre d’élaboration. Ce cadre ignore l’esprit de réconciliation qui exige la centralité des victimes dans l’adoption des politiques publiques qui les concernent. Pour la Cour constitutionnelle, les impératifs de réconciliation exigent aussi que les victimes participent à ce processus de grâce, au même titre qu’elles ont participé au processus d’octroi de l’amnistie pendant les travaux de la CVR.

“Given our history, victim participation in accordance with the principles and the values of the Truth and Reconciliation Commission was the only rational means to contribute towards national reconciliation and national unity. It follows therefore that the subsequent disregard of these principles and values without any explanation was irrational[11]”.

Ce faisant, la Cour constitutionnelle s’écarte de l’interprétation de la réconciliation avancée par le gouvernement qui insistait davantage sur la nécessité de « tourner la page ». Elle adhère plutôt aux arguments défendus par les organisations de la coalition selon lesquels l’exclusion des victimes de ce processus contribuerait à nourrir des ressentiments et aurait pour effet de nuire à l’esprit de réconciliation[12].

Ces deux procédures permettent d’éclairer la manière dont la politique de réconciliation est mobilisée pour reconfigurer les relations entre l’État sud-africain et les victimes de l’apartheid. La réconciliation est appréhendée comme un moyen d’action pour critiquer et influencer les politiques d’État. Il importe néanmoins de souligner les divergences entre les différentes organisations de la coalition sur la politique de réconciliation.

La réconciliation comme principe d’organisation des rapports entre ONG et l’État sud-africain

Si la politique de réconciliation signifie pour certaines organisations une plus grande place des victimes dans le processus décisionnel, elle suppose pour d’autres acteurs un mode d’organisation des relations entre ONG et État qui évite la confrontation. L’organisation, IJR, membre de la coalition SACTJ, s’est souvent opposée à l’usage du procès comme forme de contestation des politiques du gouvernement au motif que la confrontation était contraire à l’esprit de réconciliation.

Ce rejet du recours au droit s’explique par la préférence donnée aux mécanismes de résolution des conflits fondés sur le dialogue, que ce soit entre une victime et un auteur d’un fait criminel ou entre une organisation et un gouvernement. Or, pour IJR, le procès présente, de manière générale, un caractère conflictuel qui ne permet pas d’atteindre une situation de consensus, de réconciliation et de paix durable.

Pour le fondateur de cette organisation, la préférence d’une approche dialogique de résolution des conflits trouve son fondement dans « une philosophie africaine » de résolution des conflits, dont le concept ubuntu constitue un des principes clés[13]. Le fondateur d’IJR prend pour exemple les propos de Nelson Mandela qui a préconisé au moment de la remise du rapport de la CVR d’écouter et de comprendre les origines d’un conflit afin de parvenir à une paix durable :

“When we handed the Truth and Reconciliation Commission report to Mr. Mandela in October 1998—all five volumes—he said […] that “if we don’t go through the long, slow, process of listening, understanding, and trying to get what caused these wrongs in the first place, we’re not going to make peace”. That’s the African way of doing things. I know it’s messy. I know it’s slow, and it doesn’t have a quick outcome. Some would say it doesn’t have an outcome at all. That is Africa.[14]

Le refus d’utiliser l’arme du procès contre le gouvernement au nom de la politique de réconciliation s’inscrit dans un mouvement de promotion des pratiques considérées comme « africaines » par opposition à des pratiques perçues comme imposées par les puissances occidentales.

Ce positionnement différencié des ONG à l’égard de la politique de réconciliation illustre les divergences au sein même de la coalition sur le sens de la politique de réconciliation. En effet cette politique vient dans un cas requérir la centralité des victimes dans le processus d’adoption des lois qui affectent leur situation. Dans un autre cas, la politique de réconciliation justifie la nécessité d’avoir des rapports de coopération et de dialogue avec l’État.

En dépit de l’invalidation de ces instruments par ces procédures judiciaires, le nombre des poursuites contre les auteurs des crimes de l’apartheid demeure à ce jour extrêmement faible. Le processus de grâce, qui avait été initié par Thabo Mbeki, a été poursuivi par l’actuel président Jacob Zuma. En 2016, les dossiers de 149 condamnés étaient en cours d’examen et il prévoyait de considérer 926 demandes de grâce[15].

Conclusion

Depuis trois décennies, la mise en place d’une politique de réconciliation est devenue, dans de nombreux contextes de sortie de conflit, un passage incontournable vers une société pacifiée et démocratique. Afin de juger les accomplissements de cette politique, la littérature scientifique et les décideurs politiques ont souvent eu recours à des notions abstraites, telles que le vivre ensemble, la cohésion sociale, l’existence d’une société harmonisée. Si l’analyse de ces notions est évidemment importante pour apprécier le processus de pacification et de démocratisation d’une société, elle ne permet pas d’appréhender de façon concrète et sur le long terme les effets des mesures de réconciliation.

En observant les nombreuses appropriations de la politique de réconciliation en Afrique du Sud, celle-ci apparaît comme une arme à double tranchant, qui mériterait d’être maniée avec prudence avant d’envisager son expansion dans d’autres contextes post-conflits. En effet, comme nous avons pu le voir, les différents gouvernements sud-africains ont mobilisé la réconciliation pour limiter les procédures judiciaires contre les auteurs des crimes de l’apartheid. Elle a ainsi servi de fondement normatif à une remise en question des principes sacro-saints de la transition démocratique sud-africaine, à savoir une amnistie conditionnelle et une place centrale accordée aux victimes. En même temps, la politique de réconciliation est apparue comme un outil permettant de renforcer le processus de démocratie en Afrique du Sud. Les ONG l’ont effectivement mobilisée comme une ressource permettant de contrôler les modes d’intervention de l’État et de s’affirmer comme un contre-pouvoir dans un régime démocratique.

Cette multiplicité de visages que peut prendre la politique de réconciliation invite donc à la vigilance car, de façon paradoxale, elle peut être utilisée pour remettre en cause les engagements issus des négociations de sortie de conflit. Il convient donc de suivre son déploiement sur le long terme et ne pas se fier complètement aux promesses exprimées lors des périodes de transition. Toutefois, en plus de cette prudence, des garanties peuvent être prévues, en amont, afin d’éviter que la politique de réconciliation ne soit malléable au gré des changements politiques.

 

Liliane Umubyeyi

 

 

[1]. http://lrc.org.za/lrcarchive/

[2].  Pour de nombreux exemples, voir R. Aabel, Politics by other means. Law in the struggle against apartheid 1980- 1994, New York, Routledge, 1995, pp.495-522

[3]. http://www.khulumani.net/

[4]. https://www.ictj.org/

[5]. http://www.csvr.org.za/index.php

[6]. Le système judiciaire sud-africain est basé à la fois sur la Common law et sur le droit continental. La juridiction la plus élevée dans les matières constitutionnelles est la Cour Constitutionnelle et dans les autres matières, c’est la Suprem Court of Appeal. Cette dernière est compétente pour juger les appels des jugements rendus par les High courts. Celles-ci sont compétentes pour les matières civiles et pénales qui ne peuvent pas être traitées par les juridictions inférieures. Ces juridictions inférieures comprennent : les magistrates courts, les regional courts et les small claims courts. Il existe par ailleurs un ensemble de juridictions spécialisées, comme les labour courts, land claim courts, equality courts, traditional courts.

[7]. Entretien avec la directrice de Khulumani Support Group, Johannesburg, « Nous avions l’habitude d’organiser, une fois par mois, une réunion avec un responsable du parquet et on emmenait les victimes avec nous […] et on attendait là-bas en essayant d’obtenir des comptes rendus. Mais les gens faisaient comme s’ils ne devaient rendre de comptes à personne. Donc, même si le parquet devrait en réalité être du côté des victimes contre les criminels, ils ne font rien de tout ça. C’est vraiment une bataille très dure à mener ».

[8]. Amicus curiae de Desmond Tutu (archives de l’organisation ICJT) « Le modèle du processus de vérité et de réconciliation sud-africain tel qu’il ressort de la Constitution intérimaire exige un important sacrifice de la part des victimes afin de parvenir à une unité et une réconciliation nationales. En exigeant ce sacrifice, l’État a conclu un pacte avec elles ».

[9]. C. Darch & P.G. Underwood, “Freedom of Information Legislation, State compliance, and the discourse of knowledge: the South African experience”, The International Information & Library Review, 37, 2005, p. 79.

[10]. Entretien avec un responsable de Khulumani, Johannesburg. « Nous avons engagé un procès pour empêcher le président d’accorder la grâce aux personnes emprisonnées. Nous ne disons pas que le président n’a pas le droit d’accorder la grâce […] mais en l’absence de participation des victimes, ce processus va à l’encontre du processus de réconciliation et de reconstruction nationale »

[11].Albutt v Centre for the Study of Violence and Reconciliation  and Others (CCT54/09) [2010] disponibles sur le http://www.saflii.org/za/cases/ZACC/2010/4.html. § 39 « Au regard de l’histoire de notre pays, la participation des victimes conformément aux principes et aux valeurs de la CVR était le seul moyen rationnel de permettre une réconciliation et unité nationale. Il s’en suit dès lors que le non-respect de ces principes, sans aucune justification, est irrationnel. Sur base de ce seul argument, on peut affirmer que l’exclusion des victimes du processus de grâce était irrationnelle ».

[12]. Ibid., § 62.

[13]. Le terme ubuntu existe dans plusieurs philosophies de langue bantu pour signifier littéralement qu’une personne ne constitue une personne qu’à travers les autres. Elle exprime aussi bien l’interdépendance des humains qu’une règle de conduite obligeant à avoir un comportement respectueux de la dignité humaine. Cette notion invite dès lors les protagonistes d’un conflit à dialoguer pour trouver un consensus et se réconcilier au lieu de s’engager dans un combat judiciaire; Voir à ce sujet, J. Derrida, « Versöhnung, Ubuntu, pardon :quel genre ? » in B. Cassin, O.Cayla & P.J. Salazar, Vérité, Réconciliation, Réparation, Paris, Seuil, 2004.

[14]. N. Schneider, More than Politics. Interview with Charles Villa-Vicencio, The Immanent Frame: Secularism, Religion and the Public, http://blogs.ssrc.org (consulté le 10 avril 2014). « Lorsque nous avons soumis notre rapport de la CVR à Nelson Mandela en 1998, il a expliqué que si on ne passait pas par ce processus lent d’écouter et d’essayer de comprendre d’abord ce qui a conduit au conflit, on ne va jamais établir une paix durable. C’est la manière africaine de faire les choses. Je sais que c’est chaotique, je sais que c’est lent et qu’il n’y a pas de résultat rapide. D’autres vont jusqu’à dire qu’il n’y a pas de résultat du tout. Néanmoins, c’est la voie africaine »

[15]. P.Seils, Political pardons would damage the legacy of South Africa’s Truth and Reconciliation Commission, 3 juin 2015, disponible sur https://www.ictj.org (consulté le 16 septembre 2017).