Eco-Zouerat (4)
© ARAN

Comme nous tentons de le montrer dans notre dernière note (Le boom minier au Sahel : un développement durable ?), le Sahel, à l’image du reste de l’Afrique, est marqué par un renouveau de ses activités minières. Les travaux réalisés durant la dernière décennie montrent que la zone, largement sous-explorée, recèle de nombreux indices de présence d’une vaste gamme de minerais.

Des ressources minières sahéliennes encore sous-exploitées

Cette relance de l’activité procède de la conjonction de deux facteurs durant la dernière décennie. D’une part, sur les recommandations de la Banque mondiale, certains pays ont réformé leur code minier pour attirer les IDE des entreprises minières internationales. D’autre part, nous assistons également, depuis le début des années 2000, à l’installation d’un nouveau super cycle minier de plusieurs décennies de demande internationale soutenue. La croissance économique de la Chine, son urbanisation, l’équipement croissant des ménages chinois et le modèle industrialo-exportateur ont fait de ce pays le premier consommateur de minerais du monde. Si certains économistes pensent qu’un ralentissement relatif de la croissance chinoise pourrait affecter la demande de minerais, d’autres soulignent que la demande en minerais ne repose pas que sur l’économie chinoise. En effet, les besoins en minerais des pays émergents et des pays en développement seront croissants en raison de leur expansion économique, leur urbanisation et leurs besoins en infrastructures. C’est pourquoi la question minière sera de plus en plus structurante pour le Sahel.

Les pays sahéliens présentent toutefois des situations différentes. Le Sénégal a peu de ressources, le Mali pour des raisons d’enclavement et de mauvaise gouvernance, a peu promu son potentiel minier pourtant prometteur, à la notable exception de l’or, aux mains de sociétés étrangères, principalement sud-africaines et canadiennes (comme notamment Anglogold Ashanti ou Iamgold). Le Niger tente de développer son potentiel de producteur uranifère de premier plan en ouvrant son domaine minier à d’autres sociétés que le partenaire historique Areva. Toutefois ce pays distribue l’essentiel des permis pour ce seul minerai, renforçant de fait la dépendance de ce pays à l’uranium, dont les cours sont en berne depuis les événements de Fukushima. Les deux pays les plus prometteurs de la zone sont pour l’instant le Burkina Faso et la Mauritanie. Ils ont en commun de disposer d’une gamme de minerais étendue et d’être dans une phase de promotion active, comme en témoigne la multiplication des permis d’exploration et des projets qui entrent en phase de production. Le Burkina Faso est au début de l’essor d’une industrie minière. Cependant, un certain nombre d’inquiétudes pointent. La distribution de 600 permis de prospection miniers témoigne d’un très bas niveau de sélectivité des entreprises élues. De même, le retard pris pour l’exploitation de gisements prometteurs connus depuis des décennies est explicable en partie au moins par des problèmes de gouvernance du secteur. Ces questions de gouvernance pourraient gravement hypothéquer l’avenir minier du pays. La Mauritanie est certainement le pays de la zone ayant à la fois une des plus grandes gammes de produits, la politique d’attraction des investissements la plus dynamique et l’expérience du secteur (en raison de l’histoire de la Société Nationale Industrielle et Minière) la plus conséquente.

Plus de 100 wagons de minerai composent ce train. Zouerate, Mauritanie (Photo : Philippe Nadel/RFI)
Plus de 100 wagons de minerai composent ce train. Zouerate, Mauritanie
(Photo : Philippe Nadel/RFI)

La clef d’un secteur extractif durable : le partage équitable de la rente et une meilleure fiscalité

Néanmoins, même si le secteur minier a indéniablement contribué, à des niveaux divers, à la croissance économique des pays sahéliens, les inquiétudes sont nombreuses. La question du partage équitable de la rente est un problème de plus en plus saillant. La politique libérale de défiscalisation, destinée à attirer les investisseurs du secteur, provient de la vague de réformes des codes miniers impulsée par la Banque mondiale. Elle est aujourd’hui remise en cause, car elle n’a pas permis aux pays de la zone de profiter suffisamment de la hausse importante des cours enregistrée lors de la dernière décennie.

De fait, le constat actuel est que le minier au Sahel reste une économie d’enclave et de rente avec une faible capacité d’entraînement du reste du territoire et de l’économie, et que la transformation sur place des minerais est plus l’exception que la règle, ce qui ne devrait guère changer dans les années qui viennent. Les investisseurs visent en effet le marché mondial et n’ont donc aucun intérêt à ce que la production soit transformée sur place (en raison des coûts générés par l’irrégularité de la fourniture d’électricité, par la faible qualification de la main d’œuvre, etc.). Dès lors, le seul moyen de retenir de la valeur ajoutée dans le pays est de re-fiscaliser le secteur (en abaissant notamment les périodes d’exemption fiscale) en épargnant toutefois les périodes de prospection, ou de tenter de favoriser l’émergence d’un secteur para-minier local (location de matériel, entreprises d’intérim, catering…).

L’autre débat concerne les faibles capacités pour les États à rendre durables et positifs les effets d’une activité par nature limitée dans le temps et dans l’espace. Ce débat renvoie directement à deux problèmes, les faibles capacités de négociations des États et les faibles moyens de faire respecter leur propres législations (notamment les normes RSE), mais également le manque de capacité (ou de volonté) de mettre en place de mécanismes permettant de retenir davantage de valeur ajoutée localement, à proximité des emprises territoriale des sites miniers. Ce débat recoupe en grande partie les questions autour de la transparence du secteur minier car souvent l’absence de débat avec les Assemblées nationales, les ONG ou les représentants des collectivités locales conduisent les exécutifs (voire parfois les présidents) à prendre des décisions de courte vue.

Alain Antil

 Pour aller plus loin :
Le boom minier au Sahel, un développement durable ?, Alain Antil, Note de l’Ifri, février 2014