En 2021, l’exploitation illégale d’or par cinq entreprises chinoises dans la chefferie de Wamuzimu en territoire de Mwenga au Sud-Kivu est devenue un scandale d’ampleur nationale en République démocratique du Congo (RDC). L’analyse de ce scandale minier par l’IFRI a mis en évidence la confrontation des communautés rurales et des entreprises chinoises dans le territoire de Mwenga et les autorités congolaises ont suspendu leurs activités[1].

Mais cette suspension a été brève pour l’entreprise chinoise Oriental Resources Congo (ORC) qui a repris ses activités dans les sites aurifères de Lubigi, Mitobo, Kitutu et Kitumba et continue à être en conflit avec les communautés locales. Cette note fait le point sur l’évolution de la situation locale après un nouveau séjour de recherche dans la zone aurifère où se déroule ce conflit.

Décidée en juin 2022, la reprise des activités de ORC a été autorisée par le gouverneur de la province et la ministre nationale des mines à condition que ORC respecte la législation congolaise qui fait, entre autres choses, obligation à la société de réaliser des actions de développement local agréées par les communautés.

ORC a signé un protocole d’accord (cahier de charges) avec la communauté des Bana Mpute dans la chefferie de Wamuzimu le 11 juillet 2022 et le chef de chefferie de Wamuzimu a mis en place un cadre d’échange entre la population et cette société pour initier le dialogue communautaire dans les villages de Kaboge, Mitobo et Kitutu dans la collectivité chefferie des Wamuzimu. Selon ce protocole d’accord d’un an renouvelable, ORC s’est engagée à établir un partenariat gagnant-gagnant avec cette communauté qui implique de :

  • réhabiliter certains tronçons de la route nationale 2 entre Mwenga et Kamituga
  • réaliser des projets pour le développement des communautés (réhabiliter des ponts, fournir de l’eau potable, etc.)
  • contribuer à la formation professionnelle des villageois (notamment en conduite d’engins)
  • accorder une priorité au recrutement des membres de la communauté des Bana Mpute (leur réserver 85% des postes)
  • indemniser au cas par cas tous les propriétaires de champs, étangs piscicoles, concessions forestières victimes de l’exploitation minière.

Or la société minière chinoise n’a ni respecté le protocole d’accord ni corrigé ses pratiques. Elle continue à exproprier par la force des propriétaires de champs, concessions forestières, étangs piscicoles, plantations de palmiers à huile, etc. Par ailleurs, sa politique d’indemnisation des terres et des étangs piscicoles est jugée insuffisante et unilatérale. Elle offre entre 800 et 1200 dollars pour un hectare de forêt ou de terre alors que la valeur réelle de ces propriétés doit être évaluée d’un commun d’accord par l’entreprise et les communautés locales.

En outre, ORC est un employeur problématique. Les ouvriers congolais d’ORC sont employés comme des travailleurs journaliers n’ayant aucune couverture sociale et médicale. Ils sont payés 3 dollars par jour alors que le salaire minimum interprofessionnel est fixé à 5 dollars par jour en RD Congo[2]. L’entreprise ne paye pas l’impôt professionnel sur la rémunération, l’impôt sur le chiffre d’affaires et les redevances minières[3]. ORC ne respecte toujours pas la législation environnementale. Ses activités minières ont débuté en février 2019 sans aucune étude d’impact environnemental préalable[4]. De ce fait, aucune mesure de réduction de ses dommages environnementaux n’est mise en œuvre. Elle détruit la forêt et les champs sur de grandes étendues sans faire de reboisement. Son usage des produits chimiques n’est pas encadré et risque d’avoir un impact important sur l’environnement (pollution des sols, des eaux de surface et des nappes phréatiques, maladies pour les villageois, etc.).

Les acteurs de la société civile de Mwenga et les propriétaires fonciers dans les zones exploitées se sont opposés à la reprise des activités d’ORC sans succès. Cette entreprise est protégée par des policiers et des militaires congolais et soudoie des autorités congolaises à plusieurs niveaux. Ce réseau de corruption lui permet d’être intouchable et d’intimider ceux qui cherchent à lui résister. Ainsi des acteurs de la société civile et des propriétaires de parcelles ont été assassinés ou ont reçu des menaces. Certains ont décidé de fuir la chefferie des Wamuzimu pour se réfugier dans les villes de Kamituga et de Bukavu. Le nombre des victimes d’ORC est actuellement estimé à 600 par des sources locales. En désespoir de cause, certains membres de la communauté locale s’en prennent aux employés de ORC et un climat de violence s’est instauré dans la zone d’exploitation. Le 13 juillet 2022, des militaires qui protègent ORC ont tiré sur un homme et lui ont cassé les deux jambes dans le site minier de Kaboge.


Rédaction :

Justin Mwetaminwa, consultant international.

Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’IFRI.


[1] Justin Mwetaminwa et Thierry Vircoulon, « Un scandale sino-congolais. L’exploitation illégale des minerais et des forêts par les entreprises chinoises au Sud-Kivu », Notes de l’Ifri, Ifri, février 2022.

[2] Articles 39 à 49 et 55 à 56 du Code du Travail de la République Démocratique du Congo tel que modifié et complété à ce jour.

[3] Entretien avec le receveur et le mandataire du budget de la chefferie des Wamuzimu à Kitutu, 5 novembre 2022.

[4] Article 185 de la Loi n°18/001 du 09 mars 2018 modifiant et complétant la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier instituant l’audit environnemental.